Consternation

Consterné, dégoûté, atterré…

Ayant commencé à écrire ce texte à 53 ans, l’ayant repris de temps à autre quand j’y pensais ou quand je retombais dessus en faisant le ménage dans mes vieux ordis, je suis régulièrement, allé revoir ce que Google, “de moins en moins mon ami”, était en mesure de proposer à un naze comme moi qui aurait envie, non pas de comprendre parce ça c’est hors de portée désormais, mais au moins de ne pas mourir mathématiquement idiot. Je suis tombé sur pas mal de choses dont la chaîne d’ Yvan Monka, destinée aux collégiens et lycéens. Le gars est clair, concis, reprend les notions de manière très basique. Un type comme ça aurait dû me réconcilier, sinon avec les maths du moins avec ses congénères, sauf que non, bien au contraire… Rien que les premières vidéos que j’ai regardées (niveau 5e et 4e) sur les expressions littérales, les égalités, les équations à une inconnue, m’ont suffi pour réaliser le côté basique, simpliste et manichéen du truc. M’ont suffi pour comprendre que n’importe qui de normalement constitué, avec une intelligence moyenne, était capable d’atteindre au moins ce niveau de “perroquet bien formaté”. C’est super con en fait!

J’ajoute que ce n’est pas parce que ça paraît plus simple ou plus clair que c’en devient plus intéressant! C’est même le contraire! J’veux dire: passer deux plombes à balancer “des plus ceci et des moins cela”, à envoyer des nombres de chaque côté du signe égal, à réduire des trucs et des machins pour t’apercevoir en fin de compte que x = -1/3… Wouhou! Mais quel kif abyssal ! Quelle satisfaction intergalactique! C’est ça le truc superludiquetrogratifiantadonf ? Mais comment vous dire que c’est juste chiant en fait et que ça ne sert à rien, là, comme ça, tout seul, sans aucune application ou but pratique? Ou comment peut-on prendre plaisir à perdre son temps de la sorte? Ce mystère reste entier pour moi.

Je me rends compte avec 40 ou 45 ans de retard que c’était tout à fait à ma portée (au moins jusqu’en 5e/4e, je n’ai pas regardé plus loin ;-)). Alors comment se fait-il que j’aie passé la plus grande partie de ma vie à penser que c’était sûrement beaucoup plus compliqué qu’on ne voulait bien l’admettre, ou que je n’avais pas « l’esprit mathématique » ? Comment se fait-il qu’en huit ans de collège/lycée, alors qu’en dehors des cours j’avais parfois des discussions sur d’autres sujets avec ces mêmes profs, aucun d’eux n’ait été capable de pointer du doigt mes difficultés avec une matière qu’ils connaissaient par cœur ? Comment se fait-il qu’à chaque fois qu’un type vient dans un media expliquer que c’est facile, ludique etc., il soit infoutu d’en faire la preuve? Ou juste de nous intéresser suffisamment pour qu’on ait envie d’y aller voir d’un peu plus près ? Est-ce que les maths rendent crétins en général ? Ou c’est seulement en France ?

Femme faisant un doigt d'honneur
Photo de engin akyurt sur Unsplash

Le côté retors de cette révélation est qu’elle a transformé ce que j’appellerais “un désintérêt de survie”, en aversion quasi définitive. Je me contentais de tenir les maths à distance, revenant de temps en temps en “observateur perplexterne” tenter d’en extraire quelque chose de sensé, et maintenant que je commence à comprendre ce que je n’ai pas compris à l’époque, à avoir une vision plus claire de la catastrophe industrielle que constituait (constitue?) l’enseignement des maths en France, mon apprentissage inclus, j’ai juste la rage, la “haine” de tous les abrutis pontifiants qui m’ont servi de “profs” de maths.

Je sais bien que les maths sont un outil dont il faut apprendre à se servir. Mais, durant l’apprentissage, on se retrouve un peu comme un homme préhistorique qui apprendrait à conduire, sans avoir jamais entendu parler des voitures, ni des routes et de préférence en suivant une méthode bien contre-intuitive. Comme si on passait la première année à lui apprendre à régler les sièges. “Tu verras c’est kiffant, j’peux pas trop te parler de la suite parce que tu comprendrais pas mais vas-y fais-toi plaisir, tripe sur les inclinaisons de dossiers, les réglages d’appuie-têtes, c’est trop bien non ? Non ? Ah bon…”

La deuxième année, on lui apprend à tourner le volant à gauche, à droite, et à baisser les vitres. “Ben là déjà c’est passionnant non ? Non? Ah bon…”. Cro-Magnon sait pas trop pourquoi on lui apprend tout ça, ni à quoi sert une voiture, lui qui n’a même pas encore inventé la roue. On lui a vaguement expliqué que ça servait à des voyages et à des livraisons, bon… pour l’instant c’est du voyage intérieur, quant aux livraisons…
En troisième année: on lui apprend les freins, à pied, à main. La quatrième, les autres pédales et le levier de vitesse, mais il ne sait toujours pas qu’on peut démarrer le moteur, ni ce qu’est un moteur d’ailleurs. Ça fait quatre ans qu’il répète des gestes sans savoir vraiment ce qu’il en fera plus tard.

Voilà, c’est ça l’enseignement des maths en France ou du moins c’était ça. Et j’ai rapidement eu l’impression d’être un rat perdu dans un labyrinthe immense. Par bonheur, et complètement par hasard, j’ai trouvé une sortie! Et je me suis bien juré de ne plus jamais y remettre les pieds.