La pub? Mieux avant?

On s’est souvent fait la réflexion avec ma compagne, avec des potes que, plus ça allait, plus les pubs étaient, plates, insipides et ras du plancher. En gros, on se sent revenu au temps des réclames bien « bourrin » d’antan, mâtinées, époque oblige, de bien-pensance conforme à l’esprit du moment, saupoudrées de vert, de bio, d’équitable et de durable. C’est chiant comme la mort ! En c’est omniprésent.

 

Mieux avant ?

Et les vieux que nous sommes de se souvenir des pubs déjantées, hollywoodiennes, humoristiques, second degré, dont on raffolait dans les années 80/90, à tel point qu’une émission entière, Culture Pub, leur était consacrée. Il est vrai qu’à la “revoyure” on se rend compte que nos souvenirs les ont bien fantasmées, enjolivées et que certaines sont très discutables. Mais dans l’ensemble, pas mal de pépites nous faisaient sourire, pouvaient être assez fines ou nous “époustouflifiaient” par l’utilisation de procédés techniques dernier cri. Bref, on aimait bien ça et cela nous aidait à mieux supporter l’intrusion alors récente, des coupures pub à la télé, au milieu des films ou des émissions. Ça faisait passer la pilule. Et c’est peut-être bien là le problème, mais glissons…

Celle-ci surtout pour les pubs Oranchina, Petit Técollier, Yaupe et Gidupaaaaan

    De nos jours, les programmes en sont réduits à taper l’incruste au milieu des pubs, toutes plus assommantes les unes que les autres:

— Car Glouch “et tapez bien point FR”, hein les crétins, vougourépaçurtou !

— “VendezVotreOuahture.FR” (au moins 5 fois en 20 secondes des fois que t’aurais pas bien saisi)

— Crédit Mutchuel “Une banque qui appartient à ses clients” (mais oui, mais oui…)

— Machin “a décidé d’être flexitarien” (pourquoi pas “polytarien” pendant qu’on y est à inventer des mots à la con).

Le pompon étant décroché par Mona Lisa, la banque pour qui “les gens passent avant l’argent”. Mais bien sûr! Et la marmotte? Elle met les tablettes dans le papier d’alu?

Très logiquement, quand on voit toute cette daube “pubulente” littéralement dégueuler de n’importe quel media aujourd’hui, en premier réflexe, on sort le Joker “CT Mieux Avant!” et on se persuade que décidément, la pub c’était mieux avant.

 

Mieux maintenant ?

Sauf qu’il ne faut jamais perdre de vue le but de la publicité qui n’est pas de vous informer (même si elle le fait parfois), ni de vous éduquer (même si elle…), ni de vous faire rire (même si…), ni de financer vos medias (même….). Son but, celui de ses commanditaires, est de faire acheter tel ou tel produit, service, au plus grand nombre. Rien d’autre !

Pour cela, elle a besoin d’être efficace, au moins auprès de ceux qu’elle cible. Cela l’a presque toujours amenée à adopter les modes, le langage, l’état d’esprit de l’époque dans laquelle elle évoluait. A cheval sur les 80s et les 90s, la société aimait l’impertinence, la causticité, la frivolité et le glamour. Du moins, c’est ce qu’elle portait.

Aujourd’hui on n’aime plus l’impertinence, on est “offensé”. On ne comprend plus, ou plutôt on ne veut plus comprendre, le second degré, le recul, l’humour noir, grinçant. On est, au choix, dégoûté, indigné, offensé, atteint dans ses valeurs, dans son identité, dans sa personne même. On n’aime pas la frivolité, ce truc de boomer, et la vulgarité est devenue le nouveau glamour.

Carrouf 2024 ou comment fourguer ses produits génériques en prenant les gens pour des ânes. Ils ne s’en cachent même pas! Ils vous le disent carrément à la fin !!!

 

Faut voir…

Or la pub, n’invente rien, ne crée rien, elle se contente de refléter, d’être le miroir de son époque, le miroir de la société. Alors on glose aujourd’hui sur le côté ringard de la fin du 20e siècle, on pointe les clichés sexistes, racistes, patriarcaux des pubs de papa. Mais hé, la société de maintenant, tu t’es regardée? T’es morne, vulgaire, conformiste sans retenue aucune, égo-centrée, sans cesse effrayée, “surtout pas de polémique”. Mais quelle tronche de cake tu te tapes ! Et ta pub est au même ca-niveau ! Mais tant mieux finalement…

Elle a, depuis les eighties, perdu son masque: ses velléités intellos, son côté bonne copine fun, ses paillettes, son intelligence superficielle, pour se montrer nue jusqu’à l’os, dans tout son ennui, toute sa nuisance, toute son impudeur. Et je dis : “Trop bien, en vrai… ‘fin…” ! Quand on y réfléchit un peu, malgré le premier réflexe de rejet devant ce bombardement d’immondices, je préfère finalement une pub dégoulinante de faux-bons sentiments surjoués, d’attention au consommateur faisandée, de green washing sans vergogne. Sans compter l’intrusion dans la sphère intime de chacun au nom de “valeurs” soi-disant partagées par les marques, vidées de toute substance, plus l’envahissement inexorable de l’espace public comme privé.

2023 – Plus con et racoleur tu meurs… Mais avec eux, c’est pas la première fois…

Au moins on est prévenu, on sait à quoi s’en tenir, on est moins dupe… Enfin j’espère…

Alors oui, dans un sens, la pub c’est mieux maintenant !

Wesh Gros !

PS: j’ai volontairement travesti les noms de marque. J’veux pas d’emmerdes.

 

Bonus – Il aura la femme…

Voici une pub qui a déclenché des polémiques à sa sortie et suscite encore beaucoup de billets de blog d’imbéciles, souvent étudiant(e)s en communication ou militant(e)s des droits de la femme, woke etc. Elle a vite été retirée, et il s’agit sans doute d’un des plus grands malentendus (de “mal entendu”) de l’histoire de la pub. Les gens se sont arrêtés à la première phrase: “Il a l’argent, il a le pouvoir, il a une Audi, il aura la femme…” et se sont mis à hurler au patriarcat décomplexé, à une objectivation de la femme, bref à un machisme horrible et dépassé. Aujourd’hui encore googlez “il aura la femme” et vous tomberez sur moult analyses toutes plus premier degré, univoques et erronées les unes que les autres.

ll faut se souvenir qu’à l’époque Audi et le groupe VW jouaient sans arrêt le décalage dans leurs pubs. Ben là aussi, même si c’est un peu plus maladroit que dans d’autres de leur pubs et même si apparemment 95% de la population n’a rien compris au message.

La première phrase expose ce que pensent beaucoup d’hommes encore aujourd’hui : “T’as du pognon, du pouvoir et une caisse un peu luxueuse, toutes les meufs vont succomber, c’est forcé !” Que se passe-t-il ensuite? On voit le visage de cette femme et on se dit que c’est pas gagné parce qu’on la pressent moderne, ayant probablement bon goût, indépendante et libre de ses choix. Pas le genre à craquer sur ton aileron ou ton nombre de cylindres. Puis on retourne dans la voiture et soudain, un ballon rebondit sur le pare-brise.

Normalement, que ferait le macho de base? Il jurerait, et continuerait en faisant un doigt d’honneur aux gamines. Ou bien, il sortirait en panique pour inspecter sa voiture, tout en grommelant, au minimum. Que fait notre bonhomme? Il freine, sort de sa voiture, ramasse le ballon et le redonne aux gamines. La voix off reprend, mais c’est une (la?) femme qui parle cette fois : “Les hommes croient qu’une belle voiture sert à montrer l’épaisseur de leur portefeuille mais elle sert aussi à montrer la beauté de leur âme.” La formulation est discutable, mais le message est clair.

D’autant que la voix off masculine reprend la phrase du début “ Il a l’argent, il a le pouvoir, il a une Audi…” et rajoute ”…il a une âme”. Notez qu’ensuite c’est le personnage féminin qui dit “…il aura la femme…” . Cela montre bien que c’est elle qui choisit de monter dans la voiture et plus si affinités. Pourquoi le fait-elle? Pour l’argent, le pouvoir, l’Audi ? Non, juste parce qu’il a eu le bon comportement avec les gamines, parce qu’il a “une âme”.

Bien sûr, on peut discuter le choix du mot âme (sans doute choisi pour la rime avec femme), mais il me semble évident que le message n’est pas d’appuyer les gros cons machos qui confondent leur bagnole avec leur bite, mais bien de se jouer de ce poncif, de s’en moquer, d’en prendre le contre-pied. Ceux qui ne comprennent pas cela, font un complet contresens et n’entendent que ce qu’ils ont envie d’entendre. C’était déjà le cas en 93, c’est encore pire maintenant parce que ça s’est radicalisé et généralisé.