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Terminale, Bac

Et ça continue tranquille en Terminale A (L de nos jours), tu joues à envoyer des boulettes de papier dans les cheveux du pote bouclé qui fayote devant parce qu’il vient de réaliser que le Bac c’est à la fin de cette année et qu’il va essayer de l’avoir pour la deuxième fois, donc…

Tu dragouilles, mais les jolies meufs sont bonnes en maths ou fayotent elles aussi, car elles aussi veulent leur Bac. Toi aussi remarque bien, sauf que t’es pas inquiet une seconde sur le fait que tu vas l’avoir et, comble des combles, les événements te donneront raison. L’année mathématique passe ainsi, dans un confortable fond de salle, à voir des extraterrestres s’agiter au tableau pendant que tu découvres que La Nausée donne vraiment la nausée et que Les Faux Monnayeurs c’est bien chiant quand même. Ah ben non, Sartre et Gide c’était en première, en terminale c’est plutôt Platon (le banquet dans la grotte de la République tout ça), Descartes (cogito ergo sum etc.) et Kant (pour vivre bien, vivons bourgeoisement).

Est-ce le stress ambiant, l’insistante pression maternelle, le soleil de mai ? Toujours est-il qu’un vague commencement de soupçon de velléité pusillanime te pousse au cul et t’enjoins de rattraper en un mois les sept années de retard que tu as accumulées en maths. Où tu t’aperçois que le syndrome de Servokifon est toujours bien présent, actif et rapide comme l’éclair. Tu te fais une raison, de toute manière t’es pas inquiet, le Bac tu l’auras et cette tentative était juste un dernier soubresaut de conformisme scolaire, une dernière chance que tu laissais aux mathématiques d’éclairer ton esprit de leur puissante lumière. Mais tu n’y croyais guère et ce n’est pas la minuscule chandelle, aussitôt aperçue, aussitôt éteinte d’un simple clignement de paupières, qui aurait pu te remettre sur le droit chemin, cette putain de ligne droite bien rectiligne, qui n’est d’ailleurs qu’une vue de l’esprit.

façades d'immeubles
Vue de l’esprit – Photo de Alex wong sur Unsplash

Encore un truc terrible: une ligne droite ça n’existe pas, c’est imaginaire, un concept quoi. Ben non là, le tableau, c’est un rectangle non? Donc « lignes droites », la porte aussi, l’immeuble aussi, ton cahier aussi. Oui… mais non! Parce que quand tu te rapproches, ben ce ne sont pas des lignes droites, mais seulement de pathétiques tentatives de mettre en pratique le concept de ligne droite.

D’accord, compris! Donc on s’en fout ? Ben non ! Parce que grâce à ce truc qui n’existe pas, cette chose qu’on essaie maladroitement de mettre en application, tu recopies dans un cahier les conneries écrites au tableau, lui-même accroché dans une salle de classe décrépite. Ou bien tu fais semblant de lire un bouquin au Jardin du Luxembourg, jardin lui-même plein de rectangles, de cercles et de perspectives. Mais ça, on te le dit pas. Personne ne prend la peine de te donner quelques exemples de maths ou de géométrie appliquée. Tu sais juste que « les maths, mais ça sert à plein de choses, ça a plein d’applications ! » Euh lesquelles ? « Ben plein: les voitures, les avions, les fusées ! ». Ah ok… Tu vois pas trop le rapport, mais ok.

Et franchement, à tous les profs de maths qui liraient ces lignes, cette phrase « les avions, les fusées etc. », je l’ai entendue au moins deux douzaines de fois dans ma scolarité et je vais me faire un petit plaisir… A tous ceux qui ont un jour prononcé cette phrase, je n’ai qu’un mot à dire, « Débile ! ». Mais enfin, vous ne pouviez pas donner un exemple concret ? Je sais pas moi, le calcul d’une orbite (Apollo), d’un angle d’atterrissage (Concorde), de l’âge du capitaine (Haddock) ? On n’aurait pas compris, c’est ça ? Mais plus que tout cela, il aurait fallu des exemples qui nous touchent car “issus de” ou “applicables à” notre vie quotidienne, et ça… Néant!

Le Bac

Vient le jour J, je rate l’écrit d’un ou deux points, je suis bon pour l’oral de rattrapage dans lequel on retrouve les maths, à l’époque, en A. Tu entres dans la salle et tu tombes sur « la-prof-que-tu-comprends-pas-pourquoi-tu-l’as-pas-eue-depuis-la-6e » : canon, jeune, souriante, gentille, devant laquelle t’as envie de tout sauf de te taper l’affiche.

Jeune prof
En vrai elle était brune – Photo de ThisisEngineering RAEng sur Unsplash

Y a un truc au tableau, t’as strictement aucune idée de ce que c’est. Servokifon n’a même pas attendu le premier coup d’œil pour agir. Elle te regarde, te sourit pour t’encourager. Tu te lances, bredouilles deux ou trois absurdités, amorces deux ou trois traits de craie, elle se marre… Aïe ! Pas bon… Tu commences à gesticuler un peu comme ces mecs qui tortillaient du cul au lieu de bourrer le flipper (désolé les djeunzs), pour avoir l’air de t’activer sur le truc de maths là et… Plus ça va, plus tu t’enfonces, et plus tu t’enfonces, plus elle se marre… Pas bon, pas bon…

Perdu pour perdu, tu décides soudainement de la jouer free style: tu rigoles aussi (de toute façon t’as rien à perdre…) et tu dis tout ce qui te passe de vaguement mathématique par la tête. T’arrives au bout de “tu ne sais même pas quoi”, grâce à l’aide bienveillante de Mathbombasse et, comme elle s’est bien marrée, elle te gratifie d’un 5 sur 20 !!! Cinqueusurviiiiiingt man !!! La meilleure note que j’aie eue depuis le début de cette put… de 4e !! T’as juste envie de lui faire un gros bisou (t’avais déjà envie avant, mais là encore plus !) car, pour toi qui a laborieusement atteint 0,5/20 de moyenne en maths sur ton année de terminale entière, c’est inespéré !