Où l’on conclut que les gens qui ont des difficultés en maths n’intéressent pas les matheux. Sauf peut-être financièrement.
J’ai écrit et je continue d’écrire sur différents sujets, mon cancer, ce que la société actuelle m’inspire au jour le jour et… mon rapport catastrophique aux mathématiques. Sur ma maladie, j’ai eu beaucoup de lecteurs et beaucoup de retours, d’amis, de malades, de soignants, d’aidants, bref, des avis de pros, de malades, de leurs familles, en général assez positifs. Sur mes cogitations existentielles, j’ai à chaque fois pas mal de commentaires, de réactions, éventuellement de mini-débats, toujours intéressants.
Echecs & Maths
Sur Traumathisé, premier constat: ces pages sont beaucoup moins lues que d’autres (ça doit paraître moins sexy l’échec en maths je pense). Ensuite, j’ai eu des réactions quasi uniquement de gens qui, comme moi, avaient galéré avec les maths durant leur scolarité. Ils comparent, témoignent, m’assurent de leur compréhension. Mais côté “professionnel” (profs de maths, matheux divers) je sais que j’ai eu des lecteurs, puisque même l’un d’eux m’a informé vite fait, que R c’était l’ensemble des réels et non des rationnels. Je n’ai pas changé ce passage par souci d’authenticité et parce que je me fous bien de savoir de quelle catégorie R est le nom. En tout cas, c’est à peu près le seul retour de “bon en maths” que j’aie eu, si j’excepte ceux qui m’ont proposé de m’abonner à leurs cours en ligne. RAB les mecs!
Qu’en déduire? Que les maths ne sont pas un sujet intéressant pour les gens? Que les difficultés en maths n’intéressent personne, aucun prof, aucun ingénieur, aucun chercheur ou étudiant en maths? Qu’ils regardent ça avec leurs binocles de scientifiques rigides? Parce que moi, j’aimerais bien savoir, par exemple, si je suis le seul à n’avoir pas compris que les lettres, en calcul littéral représentaient des chiffres. Pour le moment, j’ai l’impression que oui. Peut-être cela leur semble-t-il tellement gros qu’ils n’y croient pas. Qu’ils ne me croient pas. Mais suis-je donc le seul qui ait vécu le passage en 4e comme un retour d’absence pour longue maladie? Bref, je suis tout de même extrêmement surpris de cette absence totale de réaction de ceux que je nomme “du dedans” dans le début de ce texte. Où sont-ils quand on a besoin d’eux?
J’ai l’impression que rien n’a changé en fait et que d’être du bon côté de la ligne entraîne une incompréhension totale de ce qui peut se passer en face, chez les nuls en maths. Si j’extrapole, je dirais que les nuls sont ceux qui réfléchissent le plus autour des maths. Les autres réfléchissent à l’intérieur des maths, sans capacité à s’imaginer à la place de l’autre, en dehors du cercle. Même des gens assez proches que j’ai relancé pour avoir leur avis, ne m’ont jamais fait de retour sur Traumathisé. Je ne sais que penser: j’écris mal? Ils n’ont pas d’avis? Ils ne comprennent pas ce que je raconte? Ils s’en cognent?
Hilsufy
Sinon, je continue sur internet à regarder ce qui se dit, ce qui se fait et je lis toujours des trucs comme:
”N’importe quel cerveau moyen étant capable de comprendre les maths du collège/lycée, “Hilsufy” de travailler”, “Hilsufy” d’apprendre ses théorèmes ou “Hilsufy” de relire les cours, les corrigés des exercices, de refaire les exercices à la maison et de voir où on s’est trompé.
Mais dans quel monde vivent ces gens? Combien ont-ils d’heures dans leur journée? 60? Et encore une fois: comment refaire des exercices quand tu ne comprends rien à l’énoncé? “Hilsufy” c’est un peu comme Yakafaukon, ça esquisse une solution simpliste à des problèmes complexes.
“Hilsufy” évite toute réflexion plus profonde et permet de reprendre ses activités en toute bonne conscience.
Et puis, comme décrit précédemment on a toujours les psys de comptoir “N’ayez pas peur!”, “Osez poser des questions”, “Votre enfant souffre d’un syndrome (au choix) HPI, DAMP, DCD etc.”, “Machin a mal vécu la perte de son frère jumeau alors il confond 1 et 2”. Quand ils ne nient pas carrément votre existence qui ne les arrange pas: « Nul en math? Ca n’existe pas! ». Ben voyons… Je n’existe donc pas, mes congénères non plus… Pour ces gens… Je constate que rien ne bouge : tout et n’importe quoi pourvu qu’on ne remette pas en cause l’enseignement des maths, leur place envahissante dans la société, le côté obscur de la farce. Triste…
Le constat me semble assez évident: tant que ceux du dedans ne s’intéresseront pas VRAIMENT à ce qui a bloqué les autres dehors, rien ne changera…