30/03/2023
Bon aujourd’hui je suis un peu vénère. D’abord j’me suis laissé prendre au réveil, comme un naze, par un mail destiné à récupérer un mot de passe que j’avais sur le site de Cour Supreme, donc j’ai passé 40 mn ensuite à régler le problème avec l’hébergeur et j’ai dû changer mes mots de passe au lieu de me préparer tranquillement pour partir à Cochin, je suis ravi. Ensuite, j’ai eu une IRM de contrôle Il y a une semaine et je n’ai aucune nouvelle de ce que ça a donné bien que j’aie demandé à plusieurs reprises ce qu’il en était. Ça aussi ça me gave. C’est un autre taxi qui m’emmène ce jeudi 30 mars, JP est aussi cool qu’Hassan, et comme ses enfants sont tous les deux des geeks, on parle Linux, Ubuntu parce que c’est la distribution préférée de ses fils (moi c’est Mint et Big Linux). En arrivant dans le 14e, je constate que les poubelles sont moins nombreuses et que les catacombes ne sont plus en grève. On a roulé sans encombre et j’ai une demi-heure d’avance. Je bois donc un chocolat à la terrasse de la cafétéria, d’autant qu’il fait super beau. Je rentre dans la chambre vers midi dix, m’installe (je commence à être rodé) et j’attends.
Intervient une surprise assez moyenne au bout de 30 minutes, je n’ai à ce moment vu que la kiné, venue, comme chaque fois désormais, s’enquérir de ma forme physique; une infirmière entre, branche un raccord sur la chambre qu’on m’a implantée et m’annonce qu’on lui a demandé des prises de sang en urgence mais elle ne sait pas pourquoi. Et ça, c’est tout ce que je déteste: l’impression d’être un bout de viande ou un animal à qui on n’explique rien parce que de toute façon il ne comprendrait pas. J’appelle Rachida pendant la prise de sang, elle me rassure sur l’IRM qu’elle a enfin pu consulter (elle ne le peut pas tant qu’un médecin n’a pas ouvert le rapport), et me dit que c’est plutôt positif dans l’ensemble, c’est déjà un bon point), pour les prises de sang faut que j’attende mais le doc devrait passer me voir pour m’expliquer tout ça.
Je vois une interne ou une externe, je ne sais ni comment faire la différence ni en quoi elle consiste. Le dialogue est un peu difficile au début: elle est sur la défensive et moi, j’ai beau lui assurer qu’il n’y a rien de personnel, je suis assez remonté et je dois avoir l’air un peu agressif. Elle m’explique que les analyses faites deux jours avant à Étampes montrent que le foie a du mal à suivre et qu’ils ont procédé aux prises de sang de ce midi pour savoir s’ils devaient maintenir ou non cette 3e chimio et qu’on attend les résultats. Je demande pourquoi on ne m’a pas tenu informé. Elle rétorque façon Ceci est une affaire classée : ”Mais je viens de vous le dire ! “. Mais pourquoi ne me l’a-t-on pas dit avant ou au moins au moment de la prise de sang ? “J’ai trouvé ça inquiétant…” Là d’un coup, elle percute et se radoucit nettement, se retranchant derrière le manque de personnel. Mouais… Elle me pose les questions habituelles et sort son stéthoscope pour m’écouter respirer. On se quitte en bon termes.
On me laisse mariner et vers 17h00, je vais acheter des bonbons à 20 mètres de ma chambre, en ayant prévenu avant que je revenais dans cinq minutes. Ça fait cinq heures que je suis là et évidemment le doc passe pile dans les 5 minutes pendant lesquelles je me suis absenté. Heureusement, le docteur To est là et va me consacrer une demi-heure de son temps.
Docteur To
Dr To c’est une femme d’environ un mètre soixante, fluette, discrète. Tu la croises dans la rue, tu la prends pour une étudiante et tu pries pour qu’un coup de vent ne l’emporte pas. Au premier coup d’œil, tu n’es guère impressionné et tu as… TORT !
Au fil des séjours à l’hosto, tu comprends que le Dr To est une pneumologue, pointue dans son domaine, qu’elle est respectée de tous ses collègues, qui eux-mêmes sont aussi des pointures, pour sa force de travail, son expertise, son sérieux. Je me considère plus que chanceux de l’avoir comptée parmi mes médecins. Si j’étais religieux je dirais que cette femme est une bénédiction. Je lui serai toujours reconnaissant pour la discussion que nous avons eue ce jour-là. Elle a pris le temps de me dresser un tableau complet des phases I, II, III et IV (la mienne), m’a expliqué dans le détail dans quels cas on opère ou pas, ce qui peut “empêcher de” ou “obliger à” le faire, les avantages et les inconvénients du mien. Dès le début, j’ai verrouillé l’eye contact, j’avais compris qu’elle était prête à répondre à tout et je voulais lui montrer que je suivais et que ça m’intéressait. Après quelques petites interventions lui prouvant que je comprenais, j’ai vu la passion pour son métier se déployer, là dans cette petite chambre d’hôpital. Et j’ai franchement été émerveillé de la somme de connaissances qui l’habitait, de la facilité avec laquelle elle invoquait des images ultra parlantes pour partager certaines des notions les plus ardues, de la générosité et du plaisir avec lesquels elle partageait son savoir et son expérience, du souci qu’elle avait de se faire comprendre. Aujourd’hui encore, je sais que j’ai rencontré une personne d’exception, on le sait toujours quand ça arrive. Dr To a beau être petite par la taille, elle abrite un univers immense, riche et bouillonnant.
Bien sûr dès le lendemain, je dis à Rachida combien je suis heureux de l’avoir comme médecin.
— “Oui, elle est très bien, dommage qu’elle s’en aille à la fin du mois.”
Et merdeuh! Consolation elle sera là jusqu’à la chimio #4 et s’en ira le lendemain. Fait chier…