Cette maladie m’a aussi éclairci la tête sur énormément de choses. Mes priorités ne changent guère, mais sans le superflu, sans la charge, sans le gras, je n’en veux plus. Fini les politesses convenues, les simagrées, les prises de tête pour rien, la posture du gars qui rend service à tous les coups, fini de supporter des gens que je n’ai pas envie de voir. Je me rends bien compte du côté un peu “ours” de la chose et, effectivement, j’ai eu tendance à voir moins de monde, à moins sortir, mais la fatigue et la voiture en semi-panne y sont aussi pour quelque chose. Bref, je n’étais déjà pas le mec à qui t’adresses la parole spontanément dans un environnement lambda, maintenant… ça n’a fait qu’empirer.
WTF ?
Elle m’a aussi éclairé sur ce que j’avais réalisé ou non jusqu’ici, le pour, le contre, le pas si grave, et m’a donné envie de pondre quelques textes “autocentrés”. Attention hein, je ne me prends pas pour un autre, je ne suis pas un auteur, pas même un écrivaillon, mais j’ai compris, ressenti ce qu’écrire sur soi pouvait apporter à celui qui écrit: on pose tout sur la table et, comme dirait ma pote Martine, on se relit et on se découvre. C’est intéressant. Pour moi en tout cas…
Cela m’a aussi aidé à appréhender certaines choses différemment. Je me suis toujours accepté, avec mes points forts, faibles et fort faibles. J’ai toujours essayé de saisir les opportunités qui se présentaient, ça m’a souvent souri d’ailleurs, mais, en sous-main, entre deux eaux, j’ai toujours été vaguement hanté par le fameux syndrome de l’imposteur, quelque part, au fond du crâne. Pourquoi moi ? Ils ne voient donc pas que… ceci, cela ? A contrario, je me suis aperçu au long des années et des expériences dans des milieux très différents que les attentes de mes interlocuteurs, spectateurs, auditeurs, n’étaient pas les mêmes ou étaient moins élevées que les miennes envers moi-même. Je sais que ce que je considère comme “J’ai fait de mon mieux avec mes moyens”, va souvent au-delà des espérances des personnes d’en face. Cela fait que je n’ai jamais vraiment souffert dudit syndrome, mais il peut me traverser fugacement la tête n’importe quand. Désormais, je l’accepte lui aussi: je suis comme ça, c’est moi. J’aurais pu être autrement sans doute, mais ça n’a pas tourné ainsi. Je ne suis pas de ceux qui ont un plan, de ceux qui forcent le destin. Non, je suis plutôt du genre à m’asseoir assez longtemps au bord du fleuve pour voir… ce qui passe devant moi. Jusqu’à ce que quelque chose me tente, alors j’me lance. Dans mon fonctionnement personnel, je crois beaucoup plus au bon positionnement, au fait d’être à la croisée des chemins (Crossroad), des flux, à l’observation des courants et à la joyeuse dérive des bonnes compagnies, qu’à la marche forcée: “En avant toute et atteignons cet objectif quel qu’en soit le prix”. Marche ou crève c’est pas mon truc, je n’aime ni l’un ni l’autre.
Pour résumer, je suis à la fois moins critique et moins dupe. Moins critique envers les autres et moi-même, moins dupe, car la fausseté, le clinquant, la superficialité que je pouvais sentir dans une situation, une attitude, un discours, sans pouvoir mettre le doigt sur quelque chose de tangible, me sautent désormais immédiatement au visage. Je discerne plus vite et avec plus d’acuité ce qui ne va pas avec une personne, un scénario, un projet, une organisation. Ça donne forcément à voir l’océan de vacuité, de maniérisme, de superflu, de bêtise et d’ego trip, qui se cachait sous le tapis, ça donne le tournis mais ça permet aussi de s’en tenir éloigné.
J’ai 62 ans et toujours pas de Rolex. So what? Abruti !!